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bonjour fouzia,
exc use-moi pour le délai de ma réponse, j'avais perdu le code pour entrer dans mon blog. (
Par tricycle, le 13.04.2015
bonjour christian,
je veux déjà te dire que je suis impressionnée par ton ... blog? site? as-tu déjà propo
Par Mireille Binet, le 01.03.2015
bonjour à chacun de vous,
merci pour le partage.
ou trouve t'on ces articles svp?
Par Fouzia, le 14.10.2014
bonsoir christian
je profite d'une nuit sans trop de sommeil pour donner une première impulsion à une possibl
Par Anonyme, le 18.05.2014
dommage que la mise à jour ne soit pas récente, pour faire un commentaire
Par tanays, le 19.01.2014
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Date de création : 06.02.2010
Dernière mise à jour :
23.03.2017
58 articles
Ah, comme Eric Berne aurait aimé ce livre !
* * *
Le Papalagui, c'est le regard de Touiavii sur notre culture occidentale.
Touiavii est un chef de village des îles Samoa.
Au début du XXème siècle, il fait un voyage de plusieursmois en Europe. Il a alors l'occasion d'observer nos moeurs et coutumes, et plus largement le rapport au monde que l'individu occidental a construit avec son environnement.
Interloqué, désolé et choqué, il revient dans son île avec une vive inquiétude à l'idée que son peuple puisse se laisser happer par les illusions et déviances de notre civilisation. Aussi, il rédige des notes, pour transmettre plus fidèlement aux Samoans ses observations et ses prises de conscience sur le mode de vie du peuple colonisateur.
Quelques années plus tard, le peintre et écrivain allemand Erich Scheurmann part aux îles Samoa pour étudier la culture polynésienne. Il y rencontre Touiavii et gagne peu à peu sa confiance. Si bien qu'il se voit bientôt relater les constats de Touiavii, puis, plus tard, a accès aux notes manuscrites de ce dernier. A son retour en Europe, Scheurmann décide de traduire et d'éditer ces notes.
Ainsi naît ce petit ouvrage qui décrit la vie de l'individu occidental vu par un Samoan. (Le "papalagui" est le nom que les Samoans ont donné au colon Européen).
* * *
Ce livre est bien plus qu'un divertissement. Il est le regard d'un véritable martien, comme l'aurait désigné Berne.
Cet ouvrage est une succession de confrontations, simples et éloquentes. On y voit dessinée à coups de traits de maître la dissonance entre nos besoins, nos aspirations, les besoins de notre environnement, et nos actes. Touiavii relève ainsi, avec autant d'amour que de désolation, les multiples incohérences de notre mode de vie.
Bien sûr, ce regard est emprunt de naïveté. Comment en pourrait-il être autrement ? Aussi, à chaque page, j'ai eu envie de me lancer dans une plaidoirie pour insérer de la nuance dans la pensée de Touiavii. Car le propos passe souvent à côté de la complexité de notre vie, et ne perçoit parfois pas la fonctionnalité de certains usages à priori absurdes. Cependant, aucune de mes contre-argumentations n'a réellement résisté à une mise en question honnête et profonde de ma part.
Mon constat sur l'occident en sort duel : D'un côté, notre univers culturel est merveilleusement cohérent, et se tient avec une majesté et une harmonie très soignée ; une harmonie qui échappe souvent à Touiavii, d'ailleurs. D'un autre côté, cet univers ressemble à un ouvrage gothique flamboyant (vous savez, ce gothique agité qui érige en art la complexification architecturale, la démesure des espaces, et la profusion du détail décoratif), une cathédrale construite au milieu d'un marécage. Bref, notre univers me semble beau, mais dénué de sens et déraciné.
De cette lecture, je sors grandi, éclairé, avec un Adulte magnifiquement repu. Hélas, je ressens également de la désolation et du découragement, à voir combien nous nous sommes écartés de la simplicité, de la joie, et combien semblent inexistants les chemins de traverse qui me permettraient de retrouver la vie à laquelle j'aspire après une telle lecture.
* * *
Peut-être ce livre ne sert-il plus à un réel changement. Peut-être ne servira-t-il plus qu'à nourrir une saine conscience de ce que nous avons construit. Ce serait déjà beaucoup. Et encore plus, si avec un regard net, nous pouvons aider nos clients à mettre des mots et du sens sur certaines des sourdes insatisfactions et des sombres dévitalisations qui embrument leur coeur.
Quoi qu'il en soit, Touiavii nous offre une analyse très fine de notre rapport à l'argent, de notre rapport au temps, de notre rapport au travail, et de notre rapport à la pensée. En cela, il est lui aussi un thérapeute en lutte avec l'aliénation. Et pour cela, on lui en sera reconnaissant.
écrit par christian loehle
Faut-il VRAIMENT lire POTTER ???
Mais non, pas Harry ! Stephen ! … Stephen Potter.
Car enfin, on le trouve dans presque tous les bouquins d’Eric, ce Potter ; dès que Berne parle de jeu psychologique :
« In “Schlemiel“, the one who is “it“ breaks things, spills things, and makes messes of various kinds, and each time says : “I’m sorry!“. This leaves the inexperienced player in a helpless position. The skillful opponent, however, says : “You can break things and spill things all you like ; But please don’t say ‘I’m sorry’ “.This response usually causes the Schlemiel to collapse or explode, since it knocks out his gimmick, and the opponent wins. I imagine that at this point many of you are thinking of Stephen Potter, but I think the games I have in mind are more serious ; […] »
Berne, TA : A New Method Of Group Therapy, 1958 (ré-édité en 1977 dans Intuition And Ego States).
« les jeux que l’on étudie ici […] rappellent des récits d’humoristes anglais »
Puis en note, Berne indique que l’humoriste auquel il pense en fait est Stephen Potter.
Berne, Analyse transactionnelle et psychothérapie, 1961.
« Stephen Potter is the chief representative of the humorous exposition of ulterior transactions. »
Berne, The structure and dynamics of organizations and groups, 1963.
« Il convient de rendre hommage à Stephen Potter pour ses études perspicaces et drôles des manœuvres, ou « passe-temps », dans les situations sociales de tous les jours. »
Berne, Des jeux et des hommes, 1964.
Bref, on se croirait presque avoir « manqué quelque chose », à ne pas avoir lu ce soi-disant classique. Or, étant sans doute affublé d’une propension plus pressente au sentiment désagréable d’être passé à côté des choses, figurez-vous que je le l’ai lu.
* * *
− Alors ?!? Faut-il lire Potter ?
− Eh bien oui ! Absolument, même.
Oui-donc ; si l’on veut se remémorer combien l’« aristocratic-old-british-style english » peut être inaccessible aux pauvres francophones que nous sommes.
Oui-z’aussi, si l’on veut connaître un peu mieux le type d’humour qu’appréciait Berne, au point de placer sa référence à Potter dans la plupart de ses livres, sous prétexte d’un « by the way » qui n’apportait finalement pas grand chose à son propos. (Comme ça, c’est dit.)
Oui-z’encore, si l’on aime l’humour grinçant à s’en décoller les plombages, écrit par ces types dont on se demande à chaque page et entre deux gros rires – bien francs – si ce sont de bons comiques, de joyeuses crapules ou de belles canailles. Bref, c’est l’humour dont on ne sait jusqu’à la fin si c’est du lard ou du cochon. (On me souffle, depuis les coulisses, que c’est du cochon. Soit ! … Mais encore ?).
Oui-z’enfin, et un peu plus sérieusement (mais seulement un peu plus !), si l’on aime aller retrouver le contexte de pensée, l’arrière-fond culturel et imaginaire sur lequel est né un concept. … Par exemple – et à tout hasard –l’univers imaginaire que Berne avait en tête, quand il créa le concept de jeu psychologique.
* * *
− Oui bon mais alors ; c’est qui, ce Potter ?
Bon, commençons par tracer le tableau du narrateur. Mais attention, quand je dis narrateur, je ne dis pas « auteur ». Car dans cet ouvrage, l’auteur – S. Potter – n’écrit pas en son nom. Il se fait passer pour un sale gosse, une canaille qui aurait inventé une « science » du combat psychologique et du bluff dans le sport.
Ce narrateur, qui suscite abondamment nos contre-réactions (entre pitié et dédain) semble être un aristocrate accompli, rompu à la pratique du fair-play autant qu’à l’art de le contourner. Par ailleurs, on l’imagine volontiers à la fois piètre joueur et mauvais perdant, pour imaginer tactiques si élaborées pour gagner ou au moins sauver la face par tous les moyens.
Le narrateur est donc un ridicule personnage qui croit sauver sa grandeur tout en trouvant à préserver sa fierté alors qu’il est nul en tous jeux. L’auteur, quant à lui, est un humoriste accompli qui sait dépeindre le ridicule d’une société aristocrate dégoulinant d’une bienséance hypocrite.
Par ailleurs, et à travers le pseudo-génie de ce narrateur qui se croit inventer une science et qui en fait n’invente rien, Potter nous montre à voir la manipulation sociale à son état naturel, et la dimension secrète et masquée de joute psychologique présente dans nos rapport sociaux. C’est cette dimension qui a sans doute aidé Berne à penser le concept de jeu psychologique, vu comme une « manœuvre » (le terme est de Berne) dont l’outil est la transaction à double fond (ou transaction ultérieure).
− Et pis, qu’est-ce qu’il dit, ton Potter ?
Alors, commençons par le titre de l’ouvrage (celui que j’ai lu, mais ils sont tous sur le même sujet, donc vous aurez qu’à extrapoler) : The Theory And Practice Of Gamesmanship, Or The Art Of Winning Games Without Actually Cheating. Tout est dit : l’art de gagner aux jeux sans tricher à proprement-parler.
« Sans tricher à proprement-parler » … Et croyez-moi, toute la nuance est dans le degré de « propreté ».
Des exemples ? En voici quelques-uns.
Un exemple de jeu « avant le début du jeu lui-même », si je puis dire : Imaginons que vous allez faire une partie de tennis. Vous vous arrangez pour que votre adversaire se propose de vous prendre en voiture. Lorsqu’il arrive, vous avez dix minutes de retard. Sur le pas de porte, vous hésitez encore cinq minutes sur le matériel à prendre (quelle raquette ? casquette ou bandeau ? etc.), puis faites semblant de vous faire appeler par votre épouse – qui n’a pas besoin d’être réellement là pour l’exercice, par ailleur – et vous revenez dix minutes après, avant de réaliser que vous avez pris le mauvais sac de sport. Dès qu’enfin votre collègue peut faire démarrer la voiture, vous lui conseillez d’un air de connaisseur un raccourci qui s’avèrera ne pas en être un (mais alors PAS DU TOUT). Votre adversaire, réalisant que la location du court de tennis est déjà à moitié mangée par le retard pris, et de surcroit agacé par votre mauvaise organisation, se mettra forcément à conduire sèchement. Ne manquez alors surtout pas de le lui faire remarquer, sans critiquer sa conduite mais en lui faisant comprendre à demi-mots que vous êtes malade en voiture. Etc. Vous pouvez être certain que, une fois la raquette en main, votre adversaire sera tellement à bout qu’il manquera la moitié de ses services.
Une autre illustration ? Y’a qu’à demander. Le jeu « pendant le jeu » : Par exemple, vous jouez au snooker (un billard aux parties longues, demandant beaucoup de concentration) contre un adversaire dont vous savez qu’il est passionné de musique. Vous pourriez vous mettre à siffloter, pour le déconcentrer et lui faire perdre les nerfs. Oh, évidemment pas quand c’est à lui de jouer. Ceci « ne serait pas fair-play » [Si si, c’est les mots de Potter]. Non, vous sifflerez pendant votre tour de jeu. Mais vous aurez la perfidie de ne pas siffler n’importe quel rengaine. Prenez soin au contraire de répéter encore et encore les dix premières notes d’une célèbre entrée d’opéra, dans laquelle vous aurez volontairement changé une note – toujours la même –, note que vous jouerez systématiquement un demi-ton au dessus ou au dessous de ce qu’elle devrait être. Rien de plus efficace pour faire mousser un mélomane.
Dans toute la science de ce narrateur à qui Potter prête la plume, l’irréprochabilité doit être la règle numéro 1 : Par exemple, durant un match de tennis, il serait non seulement trop explicitement manipulateur mais également grossier de casser le rythme de l’adversaire pendant ses services en prenant du temps pour ses propres besoins, que ce soit pour rattacher un lacet prétendument détaché, ou pour changer de raquette. Non, interrompez le jeu au nom de votre adversaire : Il lance la balle pour servir ? Criez-lui « attends ! » puis tournez-vous vers le publique pour dire – suffisamment fort pour que votre adversaire entende – « Restez assis, s’il vous plait, pendant son service », avant d’expliquer d’un air dévoué à votre adversaire qu’un prétendu gosse gigotait « dans sa ligne de vue » et que vous savez combien cela peut être perturbant quand on sert. L’adversaire aura beau grommeler qu’il ne l’avait même pas remarqué, il n’aura pas l’affront de vous reprocher votre sollicitude.
Autre exemple ? Jouer « après le jeu ». Car si vous avez perdu, rien ne dit que vous aurez vraiment perdu. Le narrateur enseigne donc l’art de se faire passer pour un grand champion, et se construire une solide réputation de gagnant, sans jamais effectivement gagner, en insinuant par quelques remarques anodines que « Bon sang de bon sang, vous n’arrivez pas à gagner ces bonnes vieilles parties amicales, comme si la pression du challenge des tournois nationaux vous était nécessaire pour bien jouer », ou encore que « c’est bien agréable de taper quelque volants au badminton, même si, bien sûr, ça n’est pas vraiment votre sport, vous qui êtes un féru joueur de ce tennis ».
Ou encore, comment faire perdre sa quotte de popularité à son adversaire ? Par exemple, renseignez-vous sur lui auparavant et choisissez l’habillement exactement inverse au sien. Et par vos remarques anodines, faites-le passer pour déplacé et inadéquat : Est-il sapé comme pro, avec matériel high-tech et Nike dernier cri ? Faites-le passer pour un vieux-jeu-coincé qui prend le sport trop à cœur, ou un pauvre type sans vie sociale, car « Il faut bien avouer que rien ne vaut la géniale qualité de jeu de celui qui passe sa vie sur un court » (dit sur un ton admiratif de bon perdant, et ponctué de trois petits points). Est-il au contraire vêtu d’un short de jeans, d’un T-shirt des Guns and Roses, et d’une raquette de la dernière guerre ? Débarquez fringués en vrai sportif l’âme vouée à la noblesse dudit sport, et faites passer votre adversaire pour un amateur grotesque et irrévérencieux, car « la jeunesse est là pour nous rappeler que l’esprit du jeu ne fait pas tout, et que la puissance brute d’un athlète au meilleur de sa forme a toujours le dernier mot sur les passes artistiques obsolètes d’un puriste » (dit avec une brave tape sur l’épaule, du bon vieux connaisseur qui a gagné sur tous les terrains et qui sait reconnaître le crépuscule de son règne).
Enfin, le narrateur imagine également des « contre-jeux ». Ce sont des stratégies faites pour contrecarrer les stratégies qu’il recense lui-même (un peu comme un concepteur de missiles qui concevrait en parallèle des contre-missiles, pour le cas où un faux-jeton lui renverrait sa marchandise autrement que par voie postale). Ces contre-jeux, admet le narrateur, sont d’autant plus utiles qu’il admet volontiers ne pas avoir véritablement inventé cet art, mais que celui-ci se pratique de manière informelle depuis la nuit des temps. Tout quidam est donc un potentiel combattant en puissance. De ce fait, le lecteur devrait avoir dans sa manche une batterie de ripostes maîtrisées, pour faire face à des adversaires qui se révèleraient maîtres en déstabilisation. Ces ripostes ont pour particularité qu’elles ne visent pas seulement à parer le coup de l’autre, mais plus encore à le retourner contre l’adversaire, afin que l’attaquant se retrouve lui-même victime de son propre élan.
Bref, l’esprit de la joute du narrateur se résume à : Comment agacer ou décontenancer l’autre au point de vous livrer la partie quels que soient vos niveaux respectifs ? Comment ajouter au jeu des enjeux politico-socio-psychologiques qui vont l’amener à vous livrer la partie ? A défaut, comment retourner votre défaite en une victoire de principe ?
A la lecture de l’ouvrage, le commun des mortels aura certainement quelque difficulté à repérer la nuance que fait le narrateur entre le jeu fair-play et le jeu qui ne l’est plus. Le narrateur, quant à lui, semble très au clair. Et c’est ce qui fait son ridicule. Potter nous révèle un narrateur dont on se demande constamment si c’est un naïf gentleman qui se croit futé, ou un enfoiré avéré.
Ce que nous présente Potter dans un humour de troisième degré (si j’ai bien compté) est, en tous les cas, un art de la guerre.
* * *
Qu’en tirer ?
Eh bien RIEN de directement utilisable pour notre pratique d’analyse transactionnelle.
Je vous avais prévenu, il ne faut PAS le lire, Potter !!!
Ceci dit, on pourra – ou non – trouver intéressant les éléments suivants :
Berne, en se référant à Potter, nous rappelle par un argument parmi d’autres que le terme de psychological games aurait mieux fait de se traduire par « joutes psychologiques » plutôt que par « jeux psychologiques ». En effet, de même que dans l’œuvre de Potter, la qualité caractéristique du jeu dans la théorie de Berne n’est pas la quête de plaisir, mais la démarche de confrontation de forces et de « jeux d’influence », plus près du bras de fer ou de la lutte, que de l’amusement.
Par ailleurs, Berne, en se référant à Potter, ouvre l’idée qui sera reprise plus tard (et principalement dans l’école schiffienne) que le jeu psychologique est une manipulation, visant une issue secrète bien déterminée. Ce n’est pas un but, c’est un moyen. Ce n’est pas non plus un acte manqué mais un acte à dessein. Autrement dit, et dès les premières années de théorisation sur les jeux, Berne opte résolument pour une vision psychanalytique et « intentionniste » du jeu psychologique. On est loin d’une vision du jeu comme échec à la communication saine, ou encore comme échec à maintenir un racket efficace.
Enfin, le « contre-jeu » de Potter sonne comme étonnamment proche du concept d’antithèse au jeu psychologique. A cela près que l’antithèse au jeu psychologique se veut une parade, alors que le contre-jeu de Potter est une riposte. La nuance est de taille, à première vue. Elle fait pourtant sourire, quand on sait le risque qu’il y a à jouer à Je t’ai eu en arrêtant le joueur en le confrontant plus ou moins durement.
* * *
Bref, tant qu’à lire Potter, l’analyste transactionnel pourra se permettre ces quelques réflexions plus ou moins gratuites.
N'en gardez pas moins à l'esprit que la lecture de Potter reste, pour l'analyste transactionnel, tout-à-fait superflue.
article écrit par Christian Loehlé ; www.christianloehle.ch
J'ai récemment lu le livre suivant :Object Relations in Psychoanalytic Theory, de Jay R. Greenberg et Stephen A. Mitchell. Ce livre m'ayant beaucoup apporté, je souhaite en dire ici quelques mots.
* * *
On a eu dit que Berne avait merveilleusement innové, en réinsufflant dans un cadre psychanalytique le relationnel, pour construire une psychiatrie sociale avant l’heure.
Il est vrai que Berne fut un psychanalyste qui prit le parti de déplacer l’objet d’étude de l’intrapsychique sur l’interpersonnel. L’analyse transactionnelle bernienne est, avant tout, une théorie de la souffrance basée sur l’internalisation des relations infantiles et la constitution d’adaptations de l’enfant au sein de ces relations infantiles. Ensuite, et par le schéma des Etats du Moi et des transactions que cette théorisation a amené à élaborer, l’analyse transactionnelle est un outil d’étude et d’analyse des relations actuelles du client. Ce regard interpersonnel posé sur le client, tant par rapport à ses symptômes psychiques que par rapport à son fonctionnement dans le quotidien de sa vie, est un apport majeur par rapport à la psychanalyse freudienne.
Cela dit, plus qu’un pionnier, Berne est un maillon de tout un courant, né bien avant lui, et qui a déplacé le regard du psychanalyste de l’intrapsychique au relationnel. Et c’est de cet élan au sein de la psychanalyse même et avant Berneque parle le livre que je présente ici.
* * *
La psychanalyse est une théorie extraordinaire. Elle a produit – ou parfois repris en leur donnant leurs lettres de noblesse – des concepts centraux tels que la pulsion, la sexualité infantile, l’inconscient, ou encore le Surmoi. Elle a également provoqué des mouvements coperniciens par plusieurs de ses concepts ; ainsi, l’ouverture à un rôle majeur de l’inconscient dans le fonctionnement a amené un changement radical de la pensée sur le psychisme. Il en va de même de la sexualité, définie comme une motivation profonde de la personne et un socle au développement affectif de l’individu. … Je sais, je sais, c’est pas très à la mode, de dire tout ça. Et pourtant !
Mais cette psychanalyse freudienne était une exploration résolument intrapsychique, qui se voulait comprendre et décortiquer la dynamique interne, et majoritairement inconsciente, d’un individu vu comme un organisme aux aspirations de paix intérieure face à ses élans pulsionnels. La psychanalyse freudienne est ainsi avant tout le récit d’une lutte intérieure, qui façonne l’individu et modèle une personnalité que le sujet donnera ensuite à voir au monde. Cette psychanalyse freudienne de la première heure se réfère donc à un modèle de l’être humain comme régi et structuré par la pulsion. Greenberg et Mitchell parlent ainsi d’un « modèle de structure psychique basée sur la pulsion » (drive/structure model).
Cette théorie psychanalytique de la première heure connut ses premiers conflits intestinaux, et ses premières scissions, avec des praticiens tels que Jung et Adler, dissidents à propos de certains points théoriques, ou encore Rank ou Ferenczi qui se désolidarisèrent dans leur technique d’intervention. Bien sûr, d’autres penseurs allaient ensuite développer leur particularisme, par une modification de la théorie ou de la technique.
Mais le principal séisme que connut la psychanalyse semble avoir été un questionnement qui allait inviter tous les théoriciens à décentrer leur pensée, et trouver un nouveau point d’équilibre dans une théorie qui ne pouvait rester intacte devant l’arrogance de la question. Et cette question était celle du rapport à l’objet, autrement dit la question de la relation interpersonnelle : Qui est « l’Autre » pour l’individu qui se construit psychiquement ? Quelle place a cet Autre dans le psychisme humain ? Quel statut à ses yeux et quel rôle dans son fonctionnement ? Et, aussi et surtout, quel rôle dans le développement de l’individu ?
Au-delà de l’Autre, au-delà de la relation, c’est aussi le réel, le monde extérieur, l’environnement, bref la réalité externe que cette question vient mettre en premier plan. Car si l’individu se forge dans la négociation entre ses pulsions et ses besoins de réduire les tensions internes, l’individu est aussi un être au contact de la réalité, des « possibles » en termes de satisfaction ou non des pulsions, et enfin, au contact de partenaires relationnels.
Pour Freud dans sa théorie première, et donc dans le modèle originel de structuration par la pulsion, l’individu est décrit comme un organisme dont la préoccupation première et principale est l’homéostasie interne et la décharge des tensions énergétiques par la gestion optimale et la satisfaction des pulsions. Dans la théorie première de Freud, avant le développement du concept de principe de réalité, le monde extérieur est quantité négligeable. Quant à l’Autre, il n’est pas un interlocuteur ; il n’est que le prétexte à la satisfaction des pulsions (i.e. un « but pulsionnel »), et n’existe aux yeux de l’individu qu’en tant que cible à laquelle adresser la pulsion pour la satisfaction intrapsychique. Autrement dit, la théorie de Freud sous-tend une théorie de la motivation humaine qui est celle de la satisfaction pulsionnelle, l’équilibre interne, la détente énergétique, bref le plaisir.
Cette théorie est extrêmement riche et novatrice, mais un brin nombriliste, diront certains.
Et c’est précisément ce qui provoqua la révolution de pensée dont il est question dans le livre présenté : Les théoriciens ultérieurs ont bien senti que cette description de l’individu comme un fief fermé sur lui-même était partiale et manquait d’à-propos. Cette perception a fait naître le questionnement sur la place de l’Autre (l’objet). On s’est alors mis à penser plus clairement comment l’objet est pris en compte par l’individu, voire comment il influence le développement de l’individu. Et de fil en aiguille, la question est née de savoir si l’on ne voulait pas remplacer la théorie de la motivation se référent à la décharge pulsionnelle par une théorie où la motivation première de l’individu serait le maintien de la relation. C’est l’ensemble de ces questions qui est venu ébranler la psychanalyse et inviter tous les théoriciens à un positionnement clair à ce sujet.
Comme je l’ai dit, cette question a appelé une révision théorique, ou tout au moins une adaptation que chaque psychanalyste a estimé nécessaire. Mais tous n’ont pas opté pour les mêmes formes d’adaptation. Certains théoriciens sont restés très attachés au modèle motivationnel de la pulsion, et ont tenté d’incorporer la question de l’objet dans la théorie de la pulsion. D’autres théoriciens, à l’opposé, ont laissé tomber purement et simplement la théorie de pulsion comme moteur premier, et ont posé le postulat que la préservation de la relation était le principe motivateur premier de la régulation interne et du développement de la personne. Les auteurs Greenberg et Mitchell nomme cette position alternative et construite contre la position freudienne originelle un « modèle de structure psychique fondé sur la relation » (relational/structure model). Dans cette nouvelle conception, la personne cherche avant tout non pas le plaisir mais la préservation de la relation à Autrui, et c’est aussi au nom de cet impératif que la personne se structure psychiquement durant son développement et en fonction des relations précoces qu’elle vit.
Mais, alors que certains auteurs ont adopté ou conservé une position radicale d’un bord ou de l’autre, d’autres semblent se placer quelque part entre deux. Par exemple, certains se situent dans un camp plutôt que l’autre tout en marquant un rapprochement visible avec leurs « opposants ». Et d’autres encore ont tenté une position médiane, intermédiaire, ou composite. Quoi qu’il en soit, on peut dire que tous les penseurs de la psychanalyse ont évolué sous cette remise en question (et Freud le premier).
* * *
La psychanalyse peut donc se voir comme un panel de théories aux couleurs diverses : orthodoxie freudienne, concessions, adaptations, accommodations, développements alternatifs ; Ce panel plein de nuances de la psychanalyse se révèle passionnant à découvrir sous la plume de Greenberg et Mitchell.
Plus précisément, cet ouvrage est une perle pour trois raisons, que je veux prendre le temps d’exposer en détails.
Premièrement, ce texte est un aperçu clair et de qualité sur la psychanalyse dans son ensemble. On y voit décrits ses fondements, ses principes théoriques, et quelques-uns de ses enjeux philosophiques. On peut ajouter que cet exposé est généralement clair et très accessible, ce qui est appréciable quand on parle d’une science qui souffre souvent d’un certain hermétisme (au moins langagier).
Deuxièmement, cet ouvrage est une cartographie des théories psychanalytiques, cartographie qui se déploie dans deux dimensions : historique et géographique. Cette cartographie est historique en ce qu’elle permet de replacer chaque auteur sur la ligne du temps, depuis Freud jusqu’aux années 80, permettant une vision claire des acquis de la psychanalyse disponibles à chaque auteur lorsque celui-ci déploie sa pensée. En parallèle, cette cartographie est géographique, en ce qu’elle permet de placer chaque auteur dans le déploiement spatial des diverses positions adoptées au regard de la relation d’objet.
On a ainsi exposées successivement les théories de S. Freud, Fromm, Sullivan, Klein, Fairbairn, Winnicott, Guntrip, Hartmann, Mahler, Jacobson, Kernberg, Kohut ou encore Sandler, et chacun de ces auteurs est visualisable dans ces deux dimensions cartographiques. D’un « amas de nom », le lecteur peut construire une réelle construction qui fait sens et donne corps aux concepts de chaque auteur. Précisons que la théorie de ces auteurs est toujours suffisamment bien exposée pour que le lecteur puisse à la fois se mettre en tête les principaux apports qu’ils ont amenés, la démarche théorique et les positionnements qui les ont amenés à élaborer ces apports, et enfin la manière dont ils ont traité la question de la relation d’objet dans leur théorie.
Troisièmement, ce livre peut se lire comme le récit d’un séisme dans une pensée scientifique ; Le séisme de praticiens passionnés et engagés, confrontés à une question théorique ébranlant la fondation de leur courant au point d’hypothéquer les bases théoriques du courant dont ils avaient fait leur école. Sans aller dire que l’attrait égale celui d’un roman, j’ai trouvé que la lecture permettait souvent de mettre en lumière le réel challenge de chaque auteur lorsqu’il tentait de préserver sa fibre et de définir à la fois son individuation et son appartenance en intégrant ses convictions et ses découvertes dans le corpus de ses pairs et de ses maîtres.
Certes, le lecteur ne trouvera pas un exposé complet de la théorie de tous les auteurs cités plus haut. Et ce livre n’est pas à considérer comme un bon manuel d’introduction à la psychanalyse, en ce qu’il oriente passablement son exposé selon une question spécifique. Cela dit, j’ai trouvé en cet ouvrage plusieurs apports précieux.
* * *
Au-delà de ces divers apports, j’ai trouvé dans cet ouvrage une mise en perspective très enrichissante de la théorie de Berne. Découvrir comment d’autres avant lui avaient intégré la perspective relationnelle dans la psychanalyse m’a permis de reconnaître et d’approfondir certains aspects de l’analyse transactionnelle, mais aussi de questionner certains pans de théorie de l’AT qui méritent encore ample réflexion.
C’est donc là, à mon avis, un excellent ouvrage, que je recommande vivement à celles et ceux qui aiment à tisser des liens entre analyse transactionnelle et psychanalyse.
Précisons encore seulement que cet ouvrage exige un bon niveau d’anglais, même si les auteurs ont pris soin de le rédiger dans un langage et une composition claire et agréable à lire. Par ailleurs, c’est un pavé dont la consommation « d’une traite » peut facilement provoquer quelques incommodités digestives. Qu’à cela ne tienne, puisque sa structure permet aisément de sauter à souhait certaines présentations d’auteurs pour s’attarder plus particulièrement sur celles d’autres, sans perdre l’essence du discours de l’ouvrage.
Et il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture !
article écrit par Christian Loehlé ; www.christianloehle.ch
Dans le cadre d’une préparation de journée de formation sur le diagnostic du trouble de personnalité narcissique, j’en suis venu à relire mes notes d’un ouvrage d‘Oppenheimer sur les apports de Kohut. Imaginant que mes notes à ce propos pouvaient servir à d’autres, je prends le parti de les faire figurer ici. Bonne lecture !
(référence :
Agnès Oppenheimer : Kohut et la psychologie du Self. Paris, PUF)
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Heinz Kohut est un auteur qui a focalisé son étude sur le narcissisme, amenant à ce propos de précieux apports. Il en est venu à reconsidérer le narcissisme dans sa définition, et à le concevoir comme une ligne de développement et d’investissement parallèle à celle de la relation d’objet, et non comme un stade du développement de ladite relation d’objet. J’aborde dans ces notes très succinctes quelques unes de ses considérations importantes : le narcissisme, le transfert narcissique, la pathologie narcissique et le traitement des aspects de pathologie narcissique.
A noter que Kohut s’inscrit dans le courant de Fairbairn, tous deux rompant avec la psychanalyse freudienne en considérant que la pulsion est en quête d’objet et non de plaisir.
Le Self :
(dans la lignée de la conception de Hartmann)
Ensemble des représentations de soi contenues dans le Moi. Contenu de l’appareil psychique, plus proche de l’expérience que ne l’est l’Ego.
Narcissisme :
Investissement des représentations de soi (et non pas investissement du Moi).
Le narcissisme est une relation d’objet, distincte de l’amour d’objet. C’est l’investissement d’un objet au statut particulier, appelé selfobjet, à savoir un objet au service du self.
Le narcissisme prend deux configurations (plus tard, Kohut dira deux composantes) :
1. Le Self grandiose
2. L’Imago parentale idéalisée
Genèse du narcissisme :
Elle est vue dans l’attitude peu réceptive de la mère. Mère soit aux réponses inappropriées, soit s’appropriant l’enfant pour ses besoins narcissiques à elle
Angoisse du narcissique :
Peur d’intrusion, de perte de soi, de perdre le contact avec la réalité. C’est donc une angoisse spécifique, distincte de l’angoisse névrotique et de l’angoisse psychotique.
Transfert narcissique :
Kohut découvre que le narcissique opère bel et bien un transfert, et donc est un candidat à l’analyse psychanalytique. Mais ce transfert est spécifique par son mode et par son statut.
Ce transfert narcissique a deux formes possibles :
1. Le transfert idéalisant (« Tu es parfait, et je fais partie de toi »)
2. Le transfert en miroir (« Je suis parfait et j’ai besoin que tu le confirmes »).
Il existe trois formes du transfert en miroir :
· Transfert fusionnel
· Transfert en alter ego
· Transfert en miroir proprement dit
Le transfert narcissique a un statut différent du transfert d’objet :
· Le transfert objectal est une résistance, alors que le transfert narcissique est l’objet d’une résistance. Autrement dit, le névrosé se défend par le transfert objectal, alors que le narcissique se défend du transfert narcissique.
· Le transfert objectal est un déplacement sur le thérapeute de la relation aux parents. Le transfert narcissique n’est pas un déplacement, mais l’instauration d’un lien narcissique. On pourrait dire, selonmoi, que c’est le déplacement d’une fonction (si l’on ouvre sort de la définition rigoureuse du déplacement de la psychanalyse)
Diagnostic de la personnalité narcissique :
Les contre-transferts fréquents chez les thérapeutes :
Se sentir investi comme une « fonction impersonnelle » et non comme un objet.
L’inhibition de l’empathie est un risque pour le thérapeute (au service de l’évitement de la fusion).
Le transfert idéalisant amène parfois des défenses contre l’investissement grandiose de soi par le thérapeute.
Le transfert en miroir amène souvent l’ennui, les tensions, l’impatience.
Interventions thérapeutiques avec la personnalité narcissique :
L’empathie est un composant thérapeutique essentiel pour le narcissisme.
Sur le mode des besoins de base successifs que sont rassurer puis nourrir, le besoin du narcissisme est une thérapie où se succèdent en deux phases distinctes : comprendre et expliquer. La compréhension empathique y joue un rôle essentiel (empathie définie comme un effort pour saisir le monde de l’autre, non pas comme on le perçoit mais comme il est vraiment).
Le narcissique a besoin d’une réponse en miroir, c’est-à-dire ni de silence, ni d’interprétation, ni de confrontation à la réalité. Il a besoin de verbalisation et de reconnaissance de ses besoins.
Il est important de laisser le transfert narcissique se déployer (tout comme on le fait en psychanalyse avec le transfert névrotique).
La trame générale de la thérapie se fait en deux temps. Une première étape – qui peut durer plusieurs années – consiste à travailler sur le vécu ici et maintenant, pour consolider l’investissement en selfobjet, et construire chez le client la conscience de la blessure narcissique. Ensuite seulement, la thérapie peut inclure l’interprétation génétique (i.e. interprétation sur le passé).
Face aux structures défensives, la démarche thérapeutique implique d’identifier le déclencheur de la blessure narcissique.
Intervention sur le transfert narcissique : De par sa différence de nature et de fonction avec le transfert objectal, le transfert narcissique a à être soutenu, et ne doit pas être interprété (dans un premier temps) puisqu’il n’est pas une résistance, ni un déplacement. L’interpréter serait non seulement erroné, mais consisterait également en une répétition du traumatisme (de la mère qui refuse l’empathie et détourne ce qu’adresse l’enfant).
Coup de coeur pour l'article "La coach, le client, le cheval et l'AT", sur le site d'analyse transactionnelle de Jérôme Fargette !
Voici le lien :http://www.analysetransactionnelle.fr/?p=374
C'est un bel article, dans lequel l'auteur du site interviewe une praticienne en champ conseil qui travaille avec ses clients en intégrant le cheval comme partenaire au traitement (notamment participation de l'animal au diagnostic, et confrontation "chevaleresque").
L'article comprend également l'exposé d'un accompagnement fait, qui illustre clairement et anime le propos.
C'est frais, touchant. On y voit une application originale de l'AT (une de plus !). On y découvre également l'ingéniosité et la qualité de travail de praticiens en marge de la pratique classique.
De tout coeur, je vous souhaite une bonne lecture. Et profitez pour parcourir le site de Jérôme. On y trouve plein de trésors.
article écrit par Christian Loehlé ; www.christianloehle.ch
C’est un plaisir pour moi de vous faire partager mes impressions sur un livre d’AT que j’ai particulièrement apprécié : TA, the total handbook of transactional analysis, de Stanley Woollams et Mickael Brown.
C’est un livre de présentation de l’analyse transactionnelle, écrit en 1979 par deux CTSTA en psychothérapie.
Ce livre est avant tout une présentation théorique de l’analyse transactionnelle et de ses concepts. Mais c’est également un guide à l’intervention clinique, qui intéressera spécifiquement les intervenants du champs psychothérapie et du champs conseil. A première vue, l’ouvrage se rapproche plus du livre théorique que du livre de praticien. Cela dit, il représente un très bon compromis, abordant largement et précisément la théorie, tout en amenant de nombreuses considérations d’intervention, où les auteurs nous livrent des illustrations cliniques ainsi que le savoir-faire issu de leur pratique.
Au niveau de l’approche générale, j’ai été surpris de reconnaître beaucoup de considérations schiffiennes dans le modèle des Etats du Moi qu’ils présentent : On y retrouve par exemple l’usage du terme d’Enfant Libre dans une conception qui frise l’entité structurale, en ce qu’elle est décrite comme porteuse de la motivation profonde, des besoins et des sentiments « authentiques » de la personne. L’Adulte est quant à lui passablement résumé à l’ordinateur. Enfin, on y présente l’Enfant comme étant en charge du contrôle de l’énergie psychique, et comme étant agent de décision du branchement de tel ou tel Etat du Moi. Tout cela reprend clairement l’approche présentée dans le Cathexis reader. Cela dit, ce regard sur les Etats du Moi est évidemment complété par les bases berniennes, ainsi que par des apports pertinents et élégamment maniés de Steiner, des Goulding, et d’autres. Enfin, les auteurs amènent parfois des conceptions inédites du modèle des Etats du Moi, par des considérations qui semblent de leur cru.
L’aspect qui m’a tout d’abord séduit dans cet ouvrage est la qualité de la présentation théorique. Le corpus de l’AT y est présenté dans une structuration intelligente, et les concepts y sont expliqués avec clarté et précision, souvent adjoints d’illustrations cliniques pertinentes et aidantes. Un bon ouvrage, donc pour réviser en vue du CTA, par exemple.
Un autre aspect qui me séduit dans ce livre est le pragmatisme de sa structure, qui en fait un outil puissant pour le praticien. En effet, le livre est structuré en une succession de chapitres dont chacun rassemble et organise une série de concepts d’une même école et/ou d’une même optique de travail. … banal et logique, à première vue ! Mais dans ce livre cet agencement est construit avec un art qui fait de chaque chapitre une approche en soi du client, cohérente, avec sa puissance propre. De plus, chaque chapitre est clos par des considérations d’intervention spécifiques. Ainsi, chaque chapitre devient un outil en soi à disposition du thérapeute.
Au final, ce livre peut donc se lire de deux manières. On peut y voir une succession de chapitres qui composent un exposé achevé sur le corpus de l’AT, mais on peut aussi l’utiliser comme un répertoire de portes d’entrées cliniques diverses, dont chacune est une approche nouvelle pour aborder le client.
De quoi amener au praticien une foule d’idées d’interventions pour chacun de ses clients, en tenant compte des problématiques que montrent ceux-ci, de l’étape de traitement dans laquelle ils sont, du contrat qu’ils ont, et des options déjà prises par le thérapeute jusque-là.
Enfin, voici quelques éléments qui m’ont particulièrement plu :
« Oui. … Et à part ça, il a des défauts, ton bouquin ? »
Et bien, d’abord, il date de 1979. Alors évidemment, il y manque tout ce qui est venu affiner la pratique de l’analyse transactionnelle dans ses développements ultérieurs.
Un autre petit défaut : La table des matières ne contient que les chapitres, et pas les sous-chapitres. C’est parfois un peu galère, du coup, pour aller retrouver une considération sur tel ou tel sujet précis. C’est là que ma démarche d’écriture d’un index personnel gribouillé en dos de couverture s’est avéré avoir toute sa valeur. Alors, petit conseil : Faites de même.
Et puis, il a un dernier défaut, et de taille : A ma connaissance, il n’a pas été traduit en français. … Sorry, guys !
article écrit par Christian Loehlé ; www.christianloehle.ch
Chers amateurs de lectures,
J’ai plaisir à vous écrire ces quelques lignes en coup de cœur au livre Ils sont devenus mes enfants, de Jacqui Schiff. Ce livre, publié en 1970, raconte l’expérience thérapeutique de Jacqui Schiff et de son compagnon Moe, auprès de patient psychotiques graves.
Disons-le tout de suite, ce livre fut un plaisir à lire. Non que l’idée de recueillir chez moi une vingtaine de psychotiques dangereux en régression me fasse envie. Bof, pas trop. Mais se plonger dans l’univers de cette praticienne est vraiment intéressant.
Voici quelques commentaires que je veux partager avec vous :
D’abord, je suis plein de respect pour l’œuvre vocationnelle de Jacqui, parce qu’il faut bien l’avouer, c’était plus une aventure humaine qu’une carrière de thérapeute.
Par ailleurs, j’ai trouvé dans ce livre une bonne leçon sur ce que peut être l’amour, et son pouvoir thérapeutique. Non pas vraiment l’amour du type « tu es merveilleux et tout ce que tu fais est chouette », mais plutôt l’amour-engagement, dans le « je t’aime …et pour cela je ne te laisserai pas faire ça ! »
J’ai trouvé fort, également, la manière dont les thérapeutes (Jacqui et son mari Moe) ont travaillé à construire une communautéthérapeutique, dans le sens où chaque client devient co-thérapeute, co-responsable de soutenir son « frère » ou sa « sœur » en ne le laissant pas baisser les armes ni se complaire dans sa pathologie. Ce qu’ils ont construit d’engagement de chaque client les uns envers les autres me plaît, et me donne des envies d’inviter mes clients à un même état d’esprit, à son échelle, dans les groupes thérapeutiques que je mènerai dans le futur.
Quelques aspects de ce livre portent à réflexion, par leur polémique, leur étrangeté, ou autre :
- la récurrente mise en danger des thérapeutes, à sembler vouloir à tout prix prendre soin de psychotiques homicides, quitte à passer à plusieurs reprises à deux doigts de la mort, la tête décapitée d’un coup de pelle, par exemple, me pose question.
- l’utilisation de la punition corporelle, nommée comme un parentage « répressif » ; la rationalisation qui en est faite, le lien aux redéfinitions, à la réinscription de nouveaux messages scénariques, mais aussi ce qui me paraît être chez les Schiff une méconnaissance de ce que ce geste peut porter en terme de message implicite. Voilà un autre sujet de longues soirées de discussion cognac en main !
- Une autre chose étonnante est la conception radicale – et mise en cause par la suite – du reparentage, impliquant à la fois la décathexis du Parent originel, mais aussi la coupure de contact du client avec ses parents d’origine, et l’adoption par les thérapeutes.
- Enfin, je tique parfois sur les situations de flou qu’amène le décret que le thérapeute soit parent et non pas seulement thérapeute (le thérapeute est choisi, et peut être objet de renoncement, alors que le parent est à vie ; le thérapeute ne peut demander ce que le parent peut exiger ; etc.)
Par ailleurs, une question reste mystérieusement ouverte :
Quelle est la valeur du lien donné à la relation parent-enfant ? Car certaines choses dans le livre m’étonnent : L’une est l’apparente absence du père biologique des trois enfants naturels de Jacqui (de son précédent mariage), père qui n’est présent ni par visites relatées, ni par influence et autorité décisionnelles. Dans le récit, ce père semble avoir tout simplement disparu, et peut-être jamais eu son mot à dire dans la décision que ces trois enfants partagent leur maman avec une vingtaine d’adultes en régression ! Une deuxième chose qui m’étonne est l’attitude radicale de Jacqui à décider (après quelques mauvaises expériences, admettons-le) de couper les liens entre ses « enfants » et leurs parents réels. Un troisième élément frappant pour moi est la capacité déconcertante de Jacqui à adopter de cœur en quelques minutes un client, à lui dire « je t’aime, tu est mon fils, maintenant ». Enfin et quatrièmement, je m’étonne de la politique choisie par les Schiff, à savoir adopter « dans les faits » leurs clients pour leur thérapie, mais ne les adopter légalement qu’après leur guérison et à condition de leur guérison.
Tout ceci me semble tisser un rapport parent-enfant qui reste peu clair à mes yeux, et me laisse avec la question de savoir quelle était la teneur des paroles de Jacqui quand elle disait à son nouveau client : « Je suis ta mère, maintenant, et tu es mon enfant ».
Quoi qu’il en soit, le travail des Schiff est extraordinaire, qu’on l’approuve ou non. Et je m’étonne que Berne n’ait pas plus parlé du travail Jacqui !
(Jacqui Schiff publie ce livre en 1970. Cela fait alors plusieurs années que son expérience a commencé, et un nombre important de ses patients, tous plus ou moins déclarés sans espoir ou calamiteux par les services psychiatriques traditionnels, ont guéri d’une manière spectaculaire ! Or Jacqui réalise par cet exploit ce que Berne lui-même et depuis 10 ans tente de faire en hôpital psychiatrique : guérir des psychotiques à l’aide de l’analyse transactionnelle !)
Bref. Voilà quelques-unes de mes réactions, à la lecture de ce livre. J’ai pleine confiance que vous ne pourrez pas plus que moi rester indifférent à sa lecture. Et que ce soit par intérêt historique, pour des informations sur les pathologies des psychoses ou simplement par curiosité, je vous recommande ce livre dont la lecture est facile, agréable et touchante.
Et si vous le lisez, n’hésitez pas à me faire partager vos commentaires !